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Espaces du quotidien

Gabriel METSU

Femme lisant une lettre
( © National Gallery
of Ireland, Dublin )

METSU Gabriel

Une scène typique dans le genre.
Toute la poésie du quotidien dans cette peinture qui est comme au théâtre, la description d'un événement suspendu pour la contemplation.

Une Interprétation

    Que voit-on dans cet environnement féminin, maternelle, calme et enveloppant ?
Nous voyons une servante qui soulève un rideau et ce rideau cache un autre monde: agité, aventureux et incertain. Celui qui existe au dehors et qui ne doit pas pénétrer librement ici. Cette pièce de maison bourgeoise est un lieu préservé.

     La maîtresse de maison tient une lettre précautionneusement du bout des doigts, en l'inclinant vers la lumière solaire comme si ce billet ne faisait pas encore partie des objets complètement admis à son nouvel univers. La servante tient aussi un morceau de ce courrier, du bout des doigts, tandis que le chien essaie de renifler peut-être quelques nouvelles odeurs. Dans le tableau, la servante n'est pas une esclave. Au lieu de se précipiter pour ramasser le dé à coudre qui traînent sur le sol elle participe complètement à l'événement, elle est complice et confidente : des liens s'établissent étroitement, une alliance se crée au regard de l'autre monde, celui que les hommes affrontent.

Relation/extérieur

    Évidemment, ce n'est qu'une interprétation mais de nombreuses scènes d'intérieur respirent d'une même ambiance: Ce sont des univers presque clos. Quelques ouvertures, quelques échappatoires tels que porte, fenêtre, miroir qui ne sont là que pour mieux montrer le passage qui sépare les deux mondes. La lumière qui vient de l'extérieur est filtrée par des fenêtres à meneaux de plomb et finalement il n'y a qu'une chose qui rentre librement dans ces pièces: c'est notre regard! Reste à trouver le sens de la scène représentée où chaque objet, chaque personne représentent le symbole d'une habitude culturelle de l'époque et que, de surcroît relate une histoire intime et sans parole. Il y a au fond du sujet peint, sans fard ni couronne, sans grandes œuvres ni éclats et en toute simplicité journalière,  une foi inaliénable et personnelle en la vie spirituelle. Cette idéologie n'est pas sans rappeler un certain calvinisme, une certaine réforme. Enlevez tout le superflu, il en restera l'essentiel! Il est peut-être osé de comparer ces scènes d'intérieur à un endroit de culte, mais dans de nombreuses toiles de ce genre les gens ont vraiment l'air heureux, nous apportant un peu de morale et sollicitant en nous un recueillement contemplatif. Une simple demeure où l'on peut avoir la foi, méditer ou aimer à l'abri.  S'il en était ainsi, le rapport intérieur/extérieur serait très évident: la paix, l'amour et le réconfort contre l'inconnu et la barbarie de la vie avec ses guerres et toutes ses misères.

Eléments picturaux

    La scène est représentée dans un coin d'une pièce, c'est le fragment d'un cube délimitant un espace intérieur. La perspective, cubique et angulaire, se réfère à la perspective traditionnelle héritée de la Renaissance italienne..
Les lignes de fuite dirigent le regard vers la taille de la servante, la position du spectateur semble donc un peu décalée vers la droite du tableau: Il y a un éparpillement du regard, appuyée par la lumière arrivant sur la gauche et éclairant la partie droite du tableau, qui passe d'un sujet à un autre, tel le vagabondage de la pensée.
Les objets tels que la chaise, la pantoufle solitaire, le morceau de fenêtre ou le dé à coudre perdu au bas du tableau nous confirment cette ambiance : chacun à l'air de chercher un prolongement ailleurs; et de fait, le centre du tableau est vide.
L'espace que l'on imagine déborde de tous les côtés, rendant perceptible un extérieur suggéré.
    Cet espace clos contient ou suggère tous les "extérieurs", il suffit d'ouvrir un pli, de tirer un rideau, de baigner dans la lumière qui arrive par la fenêtre.
    C'est un petit coin intime représentant un lieu précis dans la hiérarchie du monde hollandais. D'un côté nous devinons ce que gardent ces êtres au plus profond d'eux-mêmes, d'intime et de personnel, de l'autre nous pressentons d'autres espaces, lieux publics ou de grand large. L'infiniment petit et l'infiniment grand est ici ressenti tout simplement.
Au XVIIème siècle, les Hollandais ont inventé le microscope et le télescope, le saviez-vous?

Perspective et Renaissance
  La seule méthode objective de mise en perspective est apparue dans l'art occidental à la Renaissance: La Renaissance italienne en fonda une tradition dogmatique et scientifique.
  La perspective, obéissant à des lois naturelles, tente de reproduire les conditions de la vision réelle, la qualité artistique d'une œuvre dépendant alors de sa conformité aux préceptes illusionnistes. Le quattrocento est une singulière tentative du savoir humain pour soumettre la nature à l'arbitraire d'un idéalisme scientifique.
  L'univers pictural artistique c'est affranchi depuis de ces évidences naturalistes et des ces espaces abstraits.
La peinture contemporaine nous aide à percevoir que dans l'expérience sensible, l'espace n'est pas forcément un espace homogène construit avec une perspective linéaire tendant vers un point de fuite unique et traversant des pleins et des vides d'égales valeurs.

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